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Plastique en carburant : une fausse bonne idée pour l’Afrique ?

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Face aux défis énergétiques et à la gestion croissante des déchets plastiques, plusieurs pays africains envisagent de recourir à la pyrolyse pour produire du carburant. Mais cette technologie controversée pourrait créer plus de problèmes qu’elle n’en résout.

En Afrique, la quête de solutions innovantes pour concilier développement énergétique et gestion des déchets se poursuit. Des pays comme la Tunisie, le Nigeria, la Sierra Leone ou le Gabon ont récemment exprimé leur intérêt pour la transformation du plastique en carburant. Au Gabon, l’entreprise canadienne Corsair Group International a ainsi entamé des discussions avec le gouvernement sur l’installation d’une unité de production fondée sur la pyrolyse, procédé de décomposition thermique sans oxygène qui transforme les déchets plastiques en carburants liquides.

Cette technologie suscite un intérêt croissant en Afrique pour son potentiel à réduire les importations de carburants, tout en allégeant la pression sur les décharges sauvages. Mais derrière cette promesse se cache une série de limites techniques, environnementales et économiques de plus en plus soulignées par la communauté scientifique et les ONG.

Une solution polluante ?

La Global Alliance for Incinerator Alternatives (GAIA) assimile la pyrolyse à une forme masquée d’incinération, soulignant que le procédé génère des fumées toxiques, des résidus solides et des polluants atmosphériques tels que les dioxines ou métaux lourds. Or, la majorité des installations proposées dans les pays du Sud ne disposent pas des systèmes de filtration avancés requis pour en limiter les impacts sanitaires et environnementaux.

Dans une note technique publiée en 2024, l’International Pollutants Elimination Network alerte : miser massivement sur la pyrolyse, sans stratégie intégrée, risque de figer les investissements dans une solution peu durable, au détriment d’approches plus sobres comme la réduction du plastique à la source ou le recyclage mécanique.

Une efficacité limitée dans le contexte africain

Sur le plan technique, l’efficacité énergétique de la pyrolyse est également remise en cause. Une étude de mai 2025 du KAPSARC (centre saoudien de recherche sur l’énergie) note une consommation énergétique importante, avec un rendement qui reste conditionné à un tri rigoureux des déchets plastiques – un luxe encore inatteignable pour la majorité des collectivités africaines.

En février 2025, la revue Sustainability (MDPI) rappelait par ailleurs que même dans des conditions optimales, la pyrolyse ne parvient pas à égaler le recyclage mécanique en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Des choix politiques à anticiper

Si la pyrolyse peut s’intégrer ponctuellement dans une approche circulaire structurée, sa généralisation sans vision globale comporte des risques de verrouillage technologique, notamment dans les pays africains en quête de solutions urgentes et visibles. Elle suppose des investissements lourds, un approvisionnement stable, la formation de compétences locales, des normes strictes, et une filière économique clairement définie.

Pour une stratégie résolument circulaire

L’Afrique ne peut se permettre de reproduire les erreurs des pays industrialisés. Une gestion durable du plastique doit combiner réduction à la source, développement de filières de recyclage locales, et soutien aux innovations sobres. La tentation d’une solution technologique « miracle » comme la pyrolyse ne doit pas faire oublier les fondements d’une véritable économie circulaire.

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