Dans le cadre de sa stratégie énergétique nationale et de ses engagements climatiques, le Rwanda s’est fixé un objectif ambitieux : supprimer progressivement l’usage des combustibles solides — bois, charbon — d’ici 2030. Ce virage vise autant la santé publique que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en favorisant des solutions comme la cuisson électrique, le bioéthanol ou les foyers améliorés.
Mais entre les intentions politiques et les réalités quotidiennes, un écart persiste.
Une couverture électrique en hausse, mais un usage limité
Selon les chiffres officiels publiés le 8 juillet 2025, le taux d’accès à l’électricité au Rwanda est passé de 10,8 % en 2010 à 82,9 % en 2025. Un progrès remarquable. Pourtant, une étude de l’International Growth Centre (IGC), menée en 2024 sur 41 communautés rurales électrifiées, révèle que seulement 51 % des ménages sont effectivement connectés au réseau, dix ans après son installation.
Et même lorsqu’ils le sont, la consommation reste très faible, autour de 8,1 kWh par mois, soit à peine un quart de ce qu’il faut pour faire fonctionner un cuiseur électrique en usage quotidien (30 à 50 kWh/mois, selon le programme MECS de l’université de Loughborough).
Mini-réseaux : une option encore trop chère
Les mini-réseaux solaires, souvent évoqués comme une solution pour les zones rurales, se heurtent à un autre obstacle : leur coût. D’après le rapport State of the Global Mini-Grids Market (2024), le tarif moyen pour les usagers atteint 0,22 USD/kWh, contre 0,10 USD/kWh sur le réseau national. Une différence qui rend la cuisson électrique économiquement inaccessible pour la majorité des ménages ruraux.
De l’éclairage à la cuisson : un saut difficile
Les projets pilotes illustrent ces limites :
- À Kigali, un test mené par Energy4Impact, Sustainable Energy for All et Electrocook a montré un bon accueil des cuiseurs électriques lorsque l’alimentation est stable. Les ménages participants se disent prêts à en acquérir.
- En revanche, dans le district rural de Bugesera, une expérimentation similaire a échoué, faute d’électricité fiable.
Trois obstacles à lever
- Faible intensité d’usage : La majorité des ménages utilisent l’électricité pour l’éclairage, la recharge mobile ou la télévision, rarement pour la cuisson.
- Coût et instabilité du service : Le prix de l’électricité hors réseau et l’irrégularité de l’alimentation découragent l’adoption d’équipements de cuisson.
- Ciblage inefficace des subventions : Bien que des aides existent, elles n’atteignent pas toujours les ménages vulnérables, selon plusieurs analyses de terrain.
Vers une électrification à deux vitesses ?
Selon une étude conjointe de l’Université de Technologie de Sydney et de Power Shift Africa publiée en mars 2025, un ménage rural rwandais devrait multiplier par trois sa consommation électrique annuelle — de 340 à 1 021 kWh — pour pouvoir inclure la cuisson électrique dans ses usages.
Cet objectif représente un horizon réaliste à long terme, mais encore hors d’atteinte pour la majorité des foyers ruraux.
Conclusion
Le Rwanda affiche une transition énergétique ambitieuse, mais l’accès ne suffit pas. La cuisson propre, pilier essentiel pour la santé et le climat, reste hors de portée tant que l’électricité demeure instable, chère et faiblement utilisée.
Sans action volontariste sur le tarif, la qualité de service, et l’accompagnement des ménages, le pays risque de consolider une électrification à deux vitesses, laissant les plus pauvres dépendants du bois et du charbon.