Alors que l’Afrique abrite plus de 80 % des rhinocéros du monde, le continent reste l’épicentre d’un braconnage qui menace la survie de ces espèces emblématiques. Face à cette urgence, des solutions parfois controversées émergent. Parmi elles, l’écornage préventif, ou le retrait volontaire de la corne, gagne du terrain.
Un effet dissuasif prouvé
En Afrique du Sud, une étude récente a mis en lumière l’impact de cette stratégie sur une période de sept ans. L’analyse, menée dans huit réserves naturelles, montre que le braconnage a chuté de 78 % dans les zones où plus de 2 000 rhinocéros ont été écornés.
« Peu importe le contexte ou le moment, l’écornage a permis de réduire systématiquement le braconnage », souligne le Dr Tim Kuiper, auteur principal de l’étude et chercheur à l’Université Nelson Mandela.
Cette mesure vise à retirer l’objet même de la convoitise des braconniers — la corne de kératine, revendue à prix d’or sur les marchés asiatiques.
Des conséquences écologiques encore floues
Mais si la mesure est efficace, elle n’est pas sans soulever des interrogations sur le bien-être animal et les dynamiques écosystémiques. La corne joue en effet un rôle essentiel dans la vie sociale et territoriale des rhinocéros, notamment pour les mâles dominants et les mères protégeant leurs petits.
« Chez les rhinocéros noirs, l’écornage semble modifier leur comportement spatial. Ils se déplacent moins, restent dans des zones restreintes », explique Vanessa Duthe, spécialiste des grands mammifères.
Heureusement, aucune baisse de reproduction ni hausse de mortalité n’a été observée, mais les effets comportementaux pourraient à long terme altérer les interactions intra-espèces ou la dynamique des populations.
Une solution temporaire, pas une stratégie durable
L’Afrique du Sud, la Namibie, le Zimbabwe et le Kenya concentrent les principales populations de rhinocéros. À ce jour, 17 500 rhinocéros blancs et 6 500 rhinocéros noirs subsistent sur le continent, loin des quelque 70 000 individus recensés dans les années 1970.
L’écornage, bien que temporairement efficace, doit être renouvelé tous les 12 à 18 mois, car la corne repousse. Cette dépendance technique, coûteuse et logistique, soulève la question de la pérennité d’une telle stratégie.
Vers une conservation intégrée et communautaire
Face à une criminalité faunique de plus en plus organisée, les experts appellent à une approche multidimensionnelle :
- Renforcement des législations contre le braconnage
- Meilleur équipement et formation des rangers
- Soutien aux communautés locales pour qu’elles deviennent actrices de la conservation
- Éducation à la réduction de la demande internationale de corne
En Afrique, la protection de la faune emblématique comme les rhinocéros est aussi une bataille pour la souveraineté écologique. Les réponses doivent combiner science, éthique, et engagement politique pour aller au-delà des solutions d’urgence.