Face à l’instabilité, à la pauvreté multidimensionnelle et à l’exclusion économique, un programme pilote mené dans la région Somali d’Éthiopie propose une nouvelle approche. Porté par l’Organisation internationale du travail (OIT), en partenariat avec la Banque mondiale et le soutien du gouvernement néerlandais dans le cadre de l’initiative PROSPECTS, ce projet associe formation, accompagnement et entrepreneuriat pour offrir aux jeunes une alternative concrète à la dépendance humanitaire.
Des jeunes formés pour créer de la valeur localement
Déployé fin juin, le programme a lancé un concours de plans d’affaires ciblant les jeunes issus des communautés hôtes et réfugiées de Jigjiga et Kebribeyah. Sur près de 2000 candidatures, 100 entrepreneurs en herbe ont été retenus pour suivre une formation intensive couvrant la gestion financière, la planification d’entreprise, le marketing et le pitch.
Parmi eux, 50 projets à fort potentiel ont été sélectionnés pour recevoir un soutien complet : financement de démarrage, mentorat, enregistrement juridique, permis de travail et accompagnement technique. Les secteurs ciblés vont de l’agriculture à la tech, en passant par le commerce de proximité et l’économie circulaire.
Une approche intégrée : formation, innovation, accompagnement
La stratégie repose sur une progression en trois étapes :
- Formation : développement des compétences entrepreneuriales fondamentales et structuration des projets.
- Innovation : valorisation d’idées adaptées au contexte local, répondant aux besoins des communautés.
- Accompagnement : suivi personnalisé post-lancement assuré par des structures spécialisées, facilitant l’insertion dans les chaînes de valeur locales.
Dans une région où le taux de chômage urbain dépasse 19 % (OIT, 2023), cette démarche vise à créer des opportunités économiques viables, tant pour les réfugiés que pour les populations hôtes.
Un levier de développement dans un contexte humanitaire
Selon l’OPHI (Oxford Poverty and Human Development Initiative), plus de 80 % des Éthiopiens vivent dans la pauvreté multidimensionnelle. Le projet s’inscrit dans un environnement marqué par l’insécurité alimentaire, le déplacement forcé et un accès restreint aux services de base, notamment la formation professionnelle.
En phase avec la stratégie « Digital Ethiopia 2025 », qui ambitionne de créer 14 millions d’emplois – dont 300 000 dans le numérique – le programme PROSPECTS place les jeunes au cœur de l’inclusion économique, par l’auto-emploi et la création d’entreprises formelles.
Vers un modèle reproductible à l’échelle continentale
Ce projet éthiopien s’inscrit dans une tendance panafricaine visant à intégrer les réfugiés et les jeunes défavorisés dans les dynamiques économiques nationales.
- Au Rwanda, des incubateurs publics accompagnent depuis 2020 des diplômés sans emploi. Selon les premières évaluations, 67 % des projets soutenus restent actifs deux ans après.
- Au Kenya, dans les camps de Kakuma et Dadaab, le Kakuma Kalobeyei Challenge Fund a permis le lancement de plus de 200 micro-entreprises, entraînant une hausse moyenne de 30 % des revenus des bénéficiaires sur 18 mois (étude HCR & Samuel Hall).
Enjeux futurs : inclusion, simplification et pérennisation
En Éthiopie, la réussite à long terme dépendra d’un engagement fort des autorités locales. L’accès au marché du travail formel, la simplification administrative et l’inclusion des réfugiés dans les politiques nationales d’emploi seront des conditions déterminantes.
Au-delà d’un simple programme de soutien, ce modèle incarne un changement de paradigme : celui qui considère les jeunes réfugiés non plus comme des bénéficiaires d’aide, mais comme des acteurs du développement local.
