L’année 2024 restera dans l’histoire comme celle où les températures mondiales ont, pour la première fois, franchi la barre critique des +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Face à cette réalité alarmante, le rôle des forêts dans la régulation du climat devient plus crucial que jamais.
Les arbres : climatiseurs naturels de la planète
Les arbres ne sont pas de simples éléments du paysage : ce sont de véritables climatiseurs naturels. Dans les villes, ils abaissent la température ambiante de 2 à 8 °C grâce à leur ombre. En zone rurale, cet effet peut atteindre jusqu’à 15 °C. Ils atténuent ainsi l’effet d’îlot de chaleur urbain, où les températures peuvent être supérieures de 1 à 3 °C à celles des zones environnantes.
Ce n’est pas tout. Par évapotranspiration – le processus par lequel l’eau s’évapore des feuilles et du sol – un arbre mature peut libérer jusqu’à 400 litres d’eau par jour, absorbant ainsi une grande quantité de chaleur. Un seul arbre peut ainsi offrir un effet rafraîchissant équivalent à 10 climatiseurs de taille moyenne fonctionnant 20 heures par jour.
Un rôle climatique multifacette
Les forêts influencent aussi le climat par leur effet albédo – leur capacité à réfléchir ou à absorber la lumière solaire. Les forêts tropicales et tempérées, avec leur faible albédo, absorbent plus de rayonnement solaire mais stockent davantage de chaleur dans la biomasse, participant globalement au refroidissement. En revanche, dans les régions froides, comme les forêts boréales, la situation est plus complexe : la canopée sombre peut empêcher la réflexion du soleil sur la neige, ce qui accentue parfois le réchauffement.
Les arbres émettent aussi des composés organiques volatils qui participent à la formation de nuages et influencent les régimes de précipitations. Ce rôle atmosphérique est encore mal connu mais pourrait s’avérer essentiel à l’équilibre climatique.
Enfin, les forêts sont de puissants puits de carbone. Elles absorbent environ 7,6 milliards de tonnes de CO₂ par an, soit environ 20 % des émissions humaines. Les forêts tropicales à elles seules stockent environ 250 milliards de tonnes de carbone. Une forêt tropicale mature peut absorber jusqu’à 2,4 tonnes de carbone par hectare chaque année.
Déforestation : le cercle vicieux du dérèglement
Mais ce potentiel est gravement menacé. Entre 2000 et 2023, plus de 130 millions d’hectares de forêts tropicales ont disparu. Cette déforestation entraîne une hausse des températures locales pouvant atteindre 4 °C et aggrave les dérèglements climatiques. Elle affaiblit aussi la capacité des forêts à stocker le carbone, transformant certains puits de carbone en sources de CO₂.
Avec le réchauffement, les forêts sont de plus en plus vulnérables aux incendies et aux sécheresses. Les feux de brousse en Australie en 2019-2020 ont libéré à eux seuls environ 830 millions de tonnes de CO₂, illustrant le danger des boucles de rétroaction climatiques.
Une course contre la montre
La perte annuelle de forêts primaires atteint encore aujourd’hui près de 3,8 millions d’hectares, principalement dans les régions tropicales. Cette perte est directement corrélée à l’accélération du réchauffement global.
Que faire ? Cinq priorités pour agir
- Protéger les forêts intactes encore existantes, véritables bastions de biodiversité et de régulation climatique.
- Promouvoir la reforestation durable et l’afforestation (planter des arbres là où il n’y en avait pas).
- Gérer durablement les forêts exploitées, en limitant la coupe rase et en favorisant la régénération naturelle.
- Inclure la préservation des forêts dans les politiques climatiques nationales.
- Renforcer le rôle des communautés autochtones, souvent les meilleurs gardiens des forêts.
Conclusion
Le franchissement du seuil de +1,5 °C doit être un signal d’alarme. Les forêts sont nos alliées les plus efficaces et les plus accessibles pour rafraîchir la planète, stocker le carbone et stabiliser le climat. Mais leur pouvoir n’est pas infini. Il est urgent de les protéger, de les restaurer et de leur redonner toute leur place dans la lutte mondiale contre le changement climatique.