Le Burkina Faso, pays sahélien enclavé d’Afrique de l’Ouest, fait face à une pression croissante sur ses ressources naturelles, exacerbée par la déforestation, la dégradation des forêts, et les impacts du changement climatique. Dans un contexte de forte croissance démographique et de dépendance rurale à l’agriculture, le pays a engagé des réformes majeures pour concilier développement économique et durabilité environnementale. L’intégration du mécanisme REDD+ (Réduction des Émissions issues de la Déforestation et de la Dégradation des forêts) et des stratégies d’adaptation au climat se présente comme une voie stratégique pour répondre à ces défis.
Une dynamique de déforestation préoccupante
L’étude menée par le CIFOR met en lumière les principaux moteurs de la déforestation au Burkina Faso. Parmi les causes directes, on retrouve l’agriculture extensive, le développement de l’agrobusiness, le surpâturage, les feux de brousse non maîtrisés, ainsi que la forte demande en bois de chauffe et charbon. À cela s’ajoute une exploitation minière en expansion. Entre 1992 et 2000, plus de 360 000 hectares de forêts disparaissaient chaque année. En parallèle, les politiques agricoles, énergétiques et minières, bien que conçues dans une optique de croissance, ont souvent eu des effets secondaires délétères sur les écosystèmes.
Un potentiel de séquestration carbone sous-exploité
Malgré une couverture forestière limitée – estimée entre 5,6 et 13 millions d’hectares selon les sources – le Burkina Faso détient un potentiel de séquestration de 19 millions de tonnes de carbone par an. Ce potentiel reste cependant conditionné à la mise en œuvre d’une gouvernance forestière robuste et inclusive. L’implication des communautés locales, le respect des droits fonciers et une coordination institutionnelle efficace sont autant de prérequis pour une réussite du mécanisme REDD+.
REDD+ et adaptation : une approche intégrée
Le Burkina Faso a été retenu comme pays pilote dans le cadre du Programme d’investissement forestier (PIF), un dispositif des Fonds d’investissement climatique. Ce choix repose sur deux atouts majeurs : une expérience avérée en gestion participative des ressources naturelles, et un engagement politique marqué à travers l’élaboration d’un Plan national d’adaptation (PANA) dès 2007. La stratégie REDD+, encore en phase de conception, s’appuie sur les synergies possibles entre atténuation des émissions et adaptation aux impacts du changement climatique.
L’étude montre que les projets en cours, tels que ceux appuyés par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, ont permis d’initier une réflexion sur les mécanismes de mesure, notification et vérification (MNV), la propriété du carbone, et le partage des bénéfices. Toutefois, des incertitudes demeurent sur la coordination intersectorielle, l’articulation avec les politiques foncières, et l’équité dans la distribution des retombées.
Une gouvernance à renforcer pour garantir les 3E
L’analyse des performances de la REDD+ au regard des critères d’efficacité, d’efficience et d’équité (3E) révèle des tensions entre les objectifs de développement économique et la préservation environnementale. Les politiques favorisant la relance du coton, l’essor de l’agrobusiness ou encore l’expansion minière ont parfois été mises en œuvre sans évaluation rigoureuse de leur impact écologique. Le défi est donc de réorienter ces politiques pour intégrer pleinement les objectifs climatiques.
Conclusion : une transition en cours, à consolider
Le Burkina Faso dispose aujourd’hui d’une base institutionnelle et stratégique propice à la mise en œuvre de la REDD+ dans une optique d’adaptation au climat. L’enjeu est désormais de renforcer la gouvernance multi-niveaux, d’assurer une participation équitable des acteurs locaux, et de sécuriser les ressources financières nécessaires à la transition. Le cas burkinabè illustre comment un pays sahélien, malgré ses limites forestières, peut mobiliser des outils internationaux pour bâtir une économie plus résiliente et respectueuse de son environnement.