Air Djibouti franchit une étape inédite dans le secteur aérien africain en devenant la première compagnie nationale à contribuer volontairement au Registre Carbone Souverain de Djibouti. Dans un entretien accordé à l’Agence Ecofin, Abdourahman Ali Abdillahi, directeur général de la compagnie, détaille cette initiative, son fonctionnement et sa portée stratégique pour le pays et pour l’ensemble du continent.
Un engagement volontaire pour une aviation plus durable
Mis en place en 2023, le Registre Carbone Souverain a pour vocation de réorienter les contributions financières liées aux émissions des opérateurs internationaux vers des programmes nationaux de développement durable. Les compagnies nationales, quant à elles, sont exemptées d’obligation. Pourtant, Air Djibouti a choisi d’y participer volontairement, dans une logique de responsabilité partagée face au changement climatique.
« Face à la crise climatique, l’inaction n’est pas une option », rappelle Abdillahi, citant le président Ismaïl Omar Guelleh. Cette démarche proactive reflète la volonté de la compagnie de s’inscrire pleinement dans la transition écologique du pays et du secteur aérien en général.
Un mécanisme transparent et impactant
Le Registre Carbone calcule l’empreinte carbone des mouvements aériens et maritimes sur la base des standards de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). La contribution est fixée à 17 dollars par tonne de CO₂, sur la base de 50 % des émissions par trajet (l’autre moitié étant à la charge du pays de provenance ou de destination). Les fonds sont administrés par une Fondation indépendante, garantissant la transparence et la traçabilité des financements.
Depuis son lancement, l’Agence Carbone Souveraine a déjà financé plus d’une cinquantaine de projets locaux : accès à l’eau, soins de santé, électrification rurale, gestion des déchets, etc. Elle soutient aussi des projets à fort impact pour le secteur aérien, comme la décarbonation de l’aéroport de Djibouti, notamment via l’achat de véhicules électriques. L’aéroport a d’ailleurs obtenu la certification Airport Carbon Accreditation.
Une stratégie verte étendue aux opérations d’Air Djibouti
Au-delà de sa participation au registre, Air Djibouti développe sa propre stratégie environnementale. Elle explore l’usage de carburants durables (SAF), modernise sa logistique avec des véhicules électriques, et collabore avec les autorités pour aligner ses opérations avec les standards internationaux de durabilité. Le tout, en tenant compte de ses capacités et de ses ambitions à l’échelle régionale.
Vers un modèle africain de financement climatique souverain
Le mécanisme djiboutien est en passe de devenir un modèle régional. La Fondation du Registre Carbone Souverain Africain propose un cadre harmonisé pour aider d’autres pays à établir leurs propres registres. En 2025, la République gabonaise a ainsi lancé une initiative similaire, marquant une première concrétisation de la coopération Sud-Sud dans le domaine de la finance carbone.
Pour Air Djibouti, cette démarche s’inscrit dans une vision géostratégique plus large. Le pays entend tirer parti de sa position géographique clé pour devenir un hub logistique et aérien régional. La compagnie nationale renforce ainsi sa connectivité régionale, tout en intégrant pleinement les objectifs de développement durable dans ses activités.
Trois axes de développement stratégique
Air Djibouti accélère sa transformation autour de trois piliers :
- Renforcement de la flotte et du réseau régional, avec l’ouverture de nouvelles liaisons vers les capitales africaines et les grands hubs du Golfe ;
- Digitalisation des services, incluant un nouveau système de réservation, la gestion du fret et des outils de suivi en temps réel ;
- Formation et montée en compétences, en lien avec les objectifs RSE de la compagnie et ses partenariats académiques, notamment dans les métiers techniques de l’aviation.
Repenser le rôle des compagnies nationales africaines
Pour Abdillahi, les compagnies aériennes africaines doivent dépasser leur rôle traditionnel de transporteurs. Elles doivent être perçues comme des instruments stratégiques, au service de la souveraineté économique, de l’intégration régionale et de la transition écologique. Elles peuvent jouer un rôle moteur dans le développement d’écosystèmes industriels, dans la formation locale et dans l’adoption de solutions énergétiques propres.
Cette prise de position renforce la vision d’un secteur aérien africain repensé, aligné sur les impératifs environnementaux mondiaux, tout en étant porteur d’opportunités de développement endogène.