Avec l’inauguration de l’Agri-hub Arturo Bellezza, la République du Congo entre dans la chaîne d’approvisionnement des bioraffineries italiennes d’Eni. Une opportunité pour structurer les filières agricoles locales, mais une valeur ajoutée encore largement exportée.
L’Afrique explore timidement les pistes de développement autour des biocarburants, et la République du Congo se positionne aujourd’hui comme l’un des points d’ancrage de cette dynamique continentale. Le 28 juin 2025, le président Denis Sassou Nguesso a inauguré une unité d’extraction d’huile végétale dans le département de la Bouenza, au sud du pays. Portée par le géant pétrogazier italien Eni, cette infrastructure marque la première étape d’une intégration à la chaîne de valeur des biocarburants d’origine agricole, dans une logique de diversification énergétique mondiale.
Baptisée Agri-hub Arturo Bellezza, l’unité dispose d’une capacité de traitement de 30 000 tonnes d’huile de soja et de tournesol par an. Elle alimente les bioraffineries d’Enilive, filiale d’Eni spécialisée dans la mobilité durable, via une exportation directe vers l’Italie.
Structuration agricole locale… mais transformation à l’étranger
Pour les autorités congolaises, ce projet représente une opportunité d’industrialisation de l’agriculture, tout en créant de nouveaux débouchés pour les petits producteurs. Le ministre de l’Agriculture, Paul Ngobo, a salué la valorisation des tourteaux (résidus d’extraction) qui serviront à l’alimentation animale. En parallèle, Eni prévoit d’étendre ses zones d’approvisionnement à 80 000 hectares de culture d’ici 2026, renforçant la structuration de filières stratégiques comme le soja et le tournesol.
Cependant, la transformation finale du produit, à savoir la conversion en biocarburant, reste entièrement réalisée en dehors du continent. Le Congo conserve donc pour l’instant un rôle de fournisseur de matières premières, ce qui limite les retombées économiques et industrielles locales.
Un enjeu stratégique pour la souveraineté énergétique verte
Eni ne cache pas ses ambitions africaines : en 2023, le groupe avait déjà annoncé vouloir produire jusqu’à 700 000 tonnes d’huile végétale par an en Afrique d’ici 2026, avec des projets similaires au Kenya, au Mozambique, en Angola et en Côte d’Ivoire. Ces investissements répondent à l’objectif de l’Union européenne de décarboner les carburants dans le secteur des transports, en s’appuyant notamment sur des filières d’origine végétale.
Mais cette ruée vers la biomasse africaine pose la question du juste partage de la valeur ajoutée. Pour éviter une nouvelle dépendance, plusieurs pays du continent devront, à l’instar du Congo, réfléchir à des politiques industrielles incitatives : soutien à la deuxième transformation, intégration de biocarburants dans les mix énergétiques nationaux, ou encore mise en place de partenariats équilibrés avec les investisseurs internationaux.
Enjeux à suivre
- Structuration des filières agricoles autour de cultures industrielles durables
- Déploiement de capacités locales de transformation pour capter davantage de valeur
- Cadre réglementaire pour encadrer les investissements étrangers et garantir des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux à long terme
Conclusion : Le projet d’Eni au Congo illustre les promesses – et les limites – d’un développement vert sous-traité. Pour transformer l’essai, il faudra aller au-delà du rôle de simple pourvoyeur de biomasse.